La summa divisio du droit privé consiste dans la distinction entre les personnes et les choses qui se retrouve tant dans le Code civil que pénal. Cette logique binaire s’applique parfaitement dans la plupart des qualifications mais peut s’avérer parfois problématique du fait de sa rigidité. Ainsi, à titre d’exemple, la qualification du cadavre montre le caractère parfois artificiel de la division. Comme il ne peut être considéré comme une personne juridique, la qualification de chose s’est imposée de manière négative induisant régime nécessairement peu adapté et obligeant à des correctifs sur le fondement de la notion de dignité.
Dès lors, participe de la catégorie des choses tout ce qui ne peut être considéré comme une personne c’est-à-dire comme titulaire de droits et obligations. Et à l’intérieur même de cette vaste catégorie, on retrouve cette logique de qualification sur un mode binaire. Ainsi en est il de la plus importante distinction à faire parmi les choses, celle qui sépare les biens des autres choses. En effet, il n’y a pas de coïncidence entre les deux notions qui relèvent chacune d’une catégorie particulière. Il y a, d’une part, les biens qui peuvent se définir comme des choses appropriables et plus fondamentalement qui participent d’une logique utilitaire à l’homme et de l’autre, la catégorie, pensée nécessairement négativement, des choses non appropriables dites aussi « choses communes » qui, selon l’article 714 du Code civil « n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous » à l’instar de l’air, l’eau de mer ou les eaux courantes. La rigidité de la qualification est particulièrement patente dans l’emploi qu’en fait le Code civil. En effet, il est fait état de la responsabilité du fait des « choses » à l’article 1384 alinéa 1 et non du fait des biens alors même que cette responsabilité suppose que la chose est un gardien et soit donc susceptible d’appropriation. Comme le soutient le doyen Carbonnier, la logique utilitaire, fondement de la qualification du « bien », empêche de retenir ce dernier terme quand ce même objet est source de « mal » pour l’homme. Dans la même logique, la catégorie des biens est dominée par une distinction fondamentale, celle des immeubles et des meubles de l’article 516 du Code civil qui repose sur une opposition matérielle entre la fixité de certains biens et la mobilité des autres. Personne/chose, bien/chose commune, immeuble/meuble, la matière est donc gouvernée par une logique binaire rigide. En effet, le droit, à l’instar de la Nature ayant horreur du vide, chaque être animé ou inanimé trouve sa place dans une catégorie et de chaque catégorie découle un régime particulier ; ainsi la personne ne peut faire l’objet d’un contrat au contraire de la plupart des biens, les immeubles sont soumis à des règles spécifiques en matière de vente par rapport aux meubles…
Cependant, la réalité des choses est toute autre et derrière la rigidité apparente se dissimule une certaine forme de souplesse. Ainsi, on a vu que la rigidité de la qualification de chose pour le cadavre était assouplie par une référence issue de la qualification des personnes, la dignité. De même, certaines choses communes sont susceptibles d’appropriation à des fins utilitaires, que l’on songe, par exemple à l’air liquide. Enfin, il est aussi possible de qualifier certains biens de meuble ou d’immeuble indépendamment de leur critère naturel. Au delà de son apparente rigidité, la matière des choses en droit civil semble capable d’une réelle adaptabilité.
Cette souplesse derrière l’apparence se vérifie pour ce qui concerne la classification des choses et leur circulation.