L’arrestation est mandatée par le Sanhedrin. C’est un conseil de 71 membres (grands prêtres, anciens, scribes, docteurs, noblesse sacerdotale). Il siège à Jérusalem dans le temple et constitue une sorte d’académie de téléologie en même temps qu’une cour suprême pour les infractions à la loi. Il dispose également d’une police propre et peut mener des opérations de police, procéder à des arrestations et prononcer des sentences selon la loi juive.
Ce n’est que dans le cas d’une condamnation à mort, qu’il est tenu d’obtenir l’aval de l’autorité romaine. A la date où le Christ est jugé, il ne peut pas procéder à l’exécution d’une peine de mort.
L’arrestation prépare la mise en place du procès romain mais elle vient aussi contester la compétence des autorités romaines.
Une compétence contestable
Pilate n’est pas à l’initiative du procès du Christ. Les autorités du Sanhedrin semblent craindre ce Christ entré à Jérusalem le dimanche précédent, acclamé comme un sauveur, comme le libérateur d’Israël. Cette manifestation par acclamation populaire lui apparaît comme une possible et dangereuse restauration monarchique.
Jésus arrêté est conduit devant la grand prêtre. Depuis l’an 18, un certain Kaiphe occupe cette fonction. Il a été nommé par le prédécesseur de Ponce Pilate. L’autorité romaine est en effet effective sur les autorités locales religieuses juives. Cependant en pratique, ces autorités ont une grande indépendance.
Le sanhedrin se réunit en séance plénière et l’instruction commence par la recherche de témoignages pouvant condamner le Christ à mort.
La règle impérative posée dans la Bible veut que personne ne puisse être condamné sur un seul témoignage « un témoin ne se présentera pas seul contre un homme qui aura commis un crime, un péché ou une faute, quelqu’il soit. Il faut nécessairement 2 ou 3 témoins pour que l’affaire puisse être instruite. Il faut également que ces témoignages concordent entre eux.
Parmi les motifs d’accusation alors lancés, certains attestent qu’ils ont entendu le Christ dire qu’il pourrait défaire le sanctuaire et en trois jours le rebâtir. Et cette déclaration de profanation contre le sanctuaire national juif constitue un blasphème.
Marc relève cependant, à ce stade de la procédure, qu’aucun des témoignages n’est concordant et la question décisive vient du grand prêtre : « est ce toi le Christ, le fils du Dieu béni ? » Jésus répond « je le suis ».
Cette courte réponse est suffisante pour constituer dans la loi mosaique un blasphème car Jésus reprend pour se qualifier le « je suis » c’est-à-dire le nom que Dieu lui-même se donne dans l’Ancien testament. Le grand prêtre considère donc qu’il est passible de mort. Mais les membres du Sanhendrin ne prononce là qu’un arrêt de mise en accusation et une décision de prise de corps. La condamnation à mort n’est pas prononcée. Le châtiment contre les blasphémateurs de la loi mosaique est la lapidation et si la condamnation à la lapidation avait été prise, les quatre évangélistes en auraient parlé. Or ils ne disent rien sur ça et jean ne rend même pas compte de cette comparution devant le Sanhendrin.
La condamnation n’est pas décidée car les autorités juives n’ont pas le pouvoir de faire exécuter une sentence de mort, c’est pourquoi la compétence de Pilate le préfet romain est une nécessité.
Une compétence assumée
Ponce Pilate est envoyé par l’empereur Tibère comme préfet en Judée en l’an 26 et il reste à ce poste jusqu’en 36. La Judée constitue une province impériale confiée à un gouverneur de l’ordre Equestre. La Syrie, puissante province voisine est confiée elle à un léga de l’empereur sénateur qui dispose de troupes importantes dont le gouverneur de Judée peut faire appel.
Les prérogatives d’un gouverneur de rang équestre comme Pilate autonome en dépit de son puissant voisin, équivalent aux pleins pouvoirs : Pilate dispose de l’imperium, pouvoir administratif suprême qui comprend la justice criminelle, droit de vie et droit de mort.
C’est donc à la résidence officielle de Pilate que Kaiphe fait conduire Jésus. Les débats ont lieu devant cette résidence, dans la cour probablement. Le sein Sanhendrin n’entre pas dans la demeure d’un idolâtre comme Pilate, c’est un lieu impie.
La foule, en revanche est présente. L’acclamation populaire fait d’ailleurs partie des mises en accusation publiques en orient ainsi que des usages de procédure criminelle romaine. Mais le rôle de la foule s’arrête là. Il serait abusif de lui reconnaître une importance et une responsabilité plus grande au niveau judiciaire.
Ponce Pilate demande alors : « quelle est l’accusation portée contre le Christ ? » et la réponse du Sanhendrin est embarrassée. Il lui faut en effet un motif d’accusation propre au droit romain qui puisse mériter la mort. Le blasphème, qui pour le Sanhendrin, était le motif d’accusation justifiant l’arrestation du Christ, n’est plus et ne sera plus soulevé devant Pilate. Il ne peut pas servir car il n’est pas reconnu par le droit romain. Le Sanhedrin choisit alors d’accuser pour crime politique passible de mort. Il trouve 3 argus à cette accusation :
– le Christ pervertit la nation
– le Christ empêche de payer l’impôt
– le Christ se fait passer pour un Roi
Sur les trois, l’accusation concernant l’impôt est insoutenable car Jésus a préconisé de rendre à César ce qui était à César et à Dieu ce qui était à Dieu. En revanche, la première qui rejoint la troisième inquiète Pilate qui demande au Christ : « es-tu le Roi des juifs ? ». Son interrogatoire tient en cette seule question dans les 3 évangiles synoptiques. Chez Jean, l’échange est plus long. C’est au cours de cet échange que Pilate écoute jésus lui dire qu’il est là pour rendre témoignage à la vérité et Pilate demande alors « qu’est ce que la vérité ? » et le Christ ne répond pas. C’est pourtant pour Pilate la question fondamentale, la question à laquelle le juge doit toujours chercher à répondre.
Dans cet échange, jésus dit que son royaume n’est pas de ce monde. La conclusion interrogative de Pilate aboutit au même point que les autres évangélistes « es tu le Roi des juifs ? » mais l’appendice de l’évangile de jean permet de comprendre la réaction de Pilate à ce stade du procès. En ne cherchant pas à instaurer une royauté en ce monde, le Christ ne propose pas d’usurpation du pouvoir, ni même de tentative punissable et c’est pourquoi Pilate déclare au grand prêtre qu’il ne trouve aucun motif de condamnation à l’accusé.
A ce stade de la procédure, Luc soulève la possible compétence d’une autre autorité romaine. C’est le seul des 4 à le faire. Selon lui, Pilate veut renier sa compétence et son récit s’accorde effectivement avec 2 dispositions du droit romain retenues au Digeste qui prévoient que l’accusé peut être renvoyé devant le magistrat du lieu de sa résidence. Or le Christ a passé la plus grande partie de sa vie en Galilée sous l’autorité d’Hérode et Pilate peut espérer qu’Hérode trouve un motif de condamnation. Il souhaite partager avec lui la responsabilité de la décision mais son entrevue avec lui ne donne rien. Les autres évangiles n’en parlent même pas. Il revient donc à Pilate de prendre seul sa décision.
c’est intéressant tout ça, merci 🙂