1/ Définition des termes
Le droit est relatif à l’ensemble des règles édictées, posées, reconnues et accpetées par tous afin de régir les rapports des êtres humains entre eux. Le respect de ces règles est assuré par la puissance publique : l’Etat.
Le mensonge est le fait pour quiconque d’énoncer des faits contraire à la vérité ou de dissimiler des bribes de vérités. A cet égard, La morale et la religion distinguent traditionnellement 3 types de mensonges :
- Le mensonge joyeux : celui énoncé pour se jouer d’autrui ou d’un élément factuel.
- Le mensonge officieux : celui énoncé dans le but de rentre un service à autrui ou à soi-même. S’il ce dernier s’avère n’être pas énoncé dans le but de nuire, il peut être pardonné.
- Le mensonge pernicieux ou malicieux : celui dont l’unique but est de créer de la nuisance.
Le droit au mensonge pourrait être défini comme le recours légitime à la dissimulation de la vérité. Ce recours serait protégé, en ce qu’il serait accepté par les hommes comme nécessaire pour régir les rapports sociaux.
2/ Incompatibilité originelle entre le droit et le mensonge
Le mensonge est considéré comme un mal. Il est , en effet, exclu par la religion, par la société. C’est l’idée véhiculée de manière parfaitement inconsciente que le mensonge n’est pas une valeur transmissible. Dès lors, son recours ne saurait être légitime. Le droit au mensonge en tant que tel est donc, par conséquent, rejeté.
Le catholicisme se positionne d’une manière toute particulière sur le sujet:
- Les mouvances catholiques citent une recommandation de l’évangile “Que votre Oui soit Oui, et que votre Non soit Non. Tout ce qui est rajouté vient du démon”. (Mathieu)
- La vérité est présentée comme un bien.
- L’aspect social, voire conjugal, appelle à la franchise et à la confiance mutuelle.
- La notion de “pieux mensonge” n’est pas acceptée.
- la qualification de menteur est vue comme avilissante.
Relevons que le mensonge en tant que tel a une connotation péjorative, qui contraste avec les vertus du droit. Ne peut-on donc pas rapprocher l’expression “droit au mensonge” d’un oxymore?…
3/ Possibilité d’une conciliation entre le droit et le mensonge
Cette conciliation est , en effet, possible dans le but de maintenir des liens sociaux. Le droit au mensonge peut être reconnu dès lors que le mensonge est nécessaire à la survie physique ou psychologique, survie imposée par la société à bien des égards. D’aucuns s’accordent à dire que l’on peut être amené à cacher son mal être pour ne pas être perçu comme “reclus de la société”.
Faisons alors un parallèle avec le thème de la mort. Le refoulement du deuil, le malaise personnel qui s’en dégage, la famille qui se désintéresse du mourant sont autant de variables qui peuvent faire du mensonge un droit en ce que ces variables peuvent être mal considérées. Il y a bien, dans ces cas précis, une dissimulation imposée et légitimée d’un mal être, qui n’est autre que le reflet de la vérité.
Un rapprochement avec la médecine peut également être fait car les médecins, sont , en effet, dans bien des situations, confrontés à des cas dans lesquels dissimuler la vérité est légitime. Citons alors l’exemple des maladie en phase terminale.
Il est également possible de concilier droit et mensonge pour maintenir des liens familiaux : les parents demandent souvent à leur progéniture de ne pas leur mentir. Néanmoins, dès qu’un enfant pressent que la vérité peut être fâcheuse, ou décevoir ses parents, ils ne verront que du plaisir dans le mensonge. Alice MILLER, docteur en philosophie et psychanalyste de renom a beaucoup écrit sur le sujet au cours de ses vingt dernières années de recherche sur l’enfance. Elle affirme d’ailleurs la preuve que la vérité n’a pas que des vertus, c’est qu’elle peut occasionner tristesse et sentiments négatifs. Le mensonge apparaît donc comme une contre partie parfois nécessaire.
Le droit au mensonge permet aussi des échanges entre les peuples et aboutit parfois à la rédaction de conventions communes. Bernard STIEGLER, dans son ouvrage “Aimer, s’aimer, nous aimer – du 21 avril au 11 septembre” a donne une illustration célèbre d’un recours consacré au mensonge : cet auteur considère, en effet, que le mensonge est la pierre fondatrice des sociétés. C’est ainsi que l’adoption universelle du calendrier grégorien est un mensonge car les différents peuples feignent d’accepter la naissance du Christ comme élément initial.
Le mensonge est aussi envisagé comme un droit pour l’adaptation à un environnement donné, et la politesse en est une parfaite illustration. L’individu adopte, dans certaines circonstances, une attitude tronquée. Cette attitude est souvent mensongère car elle dissimule notre manière d’être. Elle est considérée comme un droit, car elle régit les rapports sociaux. C’est donc bien là un droit au mensonge. La société nous permet de ne pas dire la vérité dans les rapports humains car ce sont les convenances qui importent. L’exemple des protocoles, du secret défense, la diplomatie sont autant d’exemple flagrants de ce que le mensonge est un droit car tous font l’objet d’une réglementation particulière…
Il existe enfin un devoir de ne pas dire la vérité, et donc, corrélativement, un droit au mensonge : le droit interdit de dire la vérité dans deux cas :
- protéger la vie privée ( toute vérité n’est pas toujours bonne à dire)
- lorsque l’opinion énoncée est de nature à provoquer un trouble à l’ordre public ( exemple des propos racistes)