CARBONNIER avait consacré quelques pages à la justice de SALOMON.
L’Ancien testament dans le premier Livre des Rois (s’inscrivant dans les livres prophétiques) rapporte les événements d’un règne de 970 à 930 avant Jésus Christ.
Salomon est le fils et successeur du roi David. Il hérite à ce moment d’une royauté qui cumule deux formes de légitimité : David fut élu par les hommes de la tribu de Judas puis par les onze autres tribus d’Israël sans compter sur les signes donnés par Dieu.
L’intervention des hommes au pouvoir ne doit pas faire oublier que le peuple est lui-même élu par Dieu. Il n’y a donc pas vraiment deux sources de légitimité différentes, la légitimité royale étant fondamentalement de nature divine. Le principe héréditaire n’est pas incompatible avec l’élection divine et le roi David peut transmettre la royauté à son fils sans y déroger.
Salomon portera la royauté à son apogée. Sa puissance tient à ses richesses, son armée, sa flotte mais aussi sa sagesse. Son règne est contrasté : il commença bien et finît mal.
La première partie de son règne fut marquée par la renommée de sa justice. En Israël, vers 970 avt JC, chaque ville devait avoir son tribunal collégial, son conseil d’anciens. La compétence judiciaire du roi était également attestée par les sources, soit qu’il fut juge d’appel soit que, pour les affaires les plus graves ou pour celles qui éclataient à proximité du palais, il put être immédiatement saisi.
C’est à ce dernier cas que se rattache le procès relaté au chapitre 3 du premier Livre des rois – cf. texte : Petit résumé néanmoins – deux femmes de “mauvaise vie” vivant ensemble se présentent un jour devant le roi en relatant leur histoire. Les deux ont accouché à trois jours d’écart et toutes deux d’un garçon. L’un des bébés meurt pendant la nuit et sa mère vola l’autre bébé en interchangeant sa place avec le bébé mort. Les deux mères se disputent alors l’enfant vivant et Salomon, pour rendre la justice, ordonna que l’on tranche le bébé en deux afin que chacune en ait une moitié. Une des deux mères refusa préférant être séparée du bébé plutôt que de le voir mourir. C’est à elle que Salomon finit par donner cet enfant.
L’idéal de cette justice est d’abord temporel, le temps n’y existe pas. Les paroles des deux femmes se succèdent et la sentence finale parfaite, instantanée semble avoir mûrie sans avoir profitée de la moindre suspension de séance. La justice de Salomon est sans délai et seule la justice divine peut tomber avec autant de fulgurance.
C’est également un idéal spatial. Cette justice semble ouvrir la tradition de la proximité. Les deux femmes sont à portée de leur Roi. Cette accessibilité leur permet de dévoiler le secret de leur relation. Mais cet espace de l’extrême proximité s’enrichit aussi à la fin du récit d’une autre dimension : tout le pays semble saisi par cette décision comme si cette justice rayonnait efficacement et effectivement sur un pays entier.
Cet idéal de justice s’accorde enfin à une extrême simplicité. La justice semble trouver en elle-même sa propre solution, une justice presque sans droit où simplement deux ordres raisonnent, deux ordres contradictoires entre la vie et la mort.