I- Le juge pénal sous l’emprise de la loi
A. Interdiction de tout rôle créateur du juge pénal
1. Conséquences du principe de légalité s’agissant des peines et des incriminations
Tout rôle créateur du juge pénal est prohibé s’agissant des incriminations.Tout rôle créateur du juge pénal est également prohibé dans la fixation des peines. Il doit s’en tenir aux peines prévues par la loi. Souvent, les juridictions pénales sont censurées pour avoir prononcée une peine existant dans l’échelle générale des peines mais non prévue par l’infraction (crim 18.02.04).
2. Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale
Principe qui limite la marge de manœuvre du juge et accroit sa soumission à la loi. Il est posé à l’art 111-4 duCP. Principe qui est le prolongement du principe de légalité des délits et des peines. Interpréter strictement c’est « la loi, uniquement la loi, mais toute la loi ». Ex : arrêt Assemblée Plénière 29.06.01 sur l’homicide involontaire du foetus2[2].
- [2] Note sur l’arrêt : la Cour de Cassation rejette le principe même de la qualification d’homicide. Note « les chemins de la liberté » sur cet arrêt : controverse autour de l’amendement Garraud. Si l’on veut utiliser une formule très frappante, forgée par Foucault, on peut dire désormais que l’Etat a en charge de « faire vivre et laisser mourir » alors que sa mission traditionnelle était de « faire mourir et laisser vivre ». Dans les démocraties libérales, l’Etat a transféré aux individus les attributs de la souveraineté qu’il avait dans le domaine du vivant.
Il a pour effet d’interdire l’interprétation par analogie. Méthode d’interprétation qui consiste à appliquer la loi pénale à un comportement qu’elle ne vise pas mais qui présente des similitudes. Ex : affaire de la séquestrée de Poitiers CA de Poitiers 20.11.1901.
B. Déclin de l’emprise de la loi
1. Déclin imputable au législateur
Le législateur facilite parfois l’émancipation du juge. Ex :
- principe de l’individualisation de la peine : le législateur fixe le cadre général et laisse au juge le soin de se déterminer librement au sein de ce cadre
- l’imprécision du texte législatif : le conseil constitutionnel a posé une exigence de précision et de clarté des textes législatifs dans sa décision sécurité liberté. Il dit qu’une loi qui ne serait pas rédigée en des termes clairs et précise, est une loi qui encourt sa censure. La CEDH exige que la loi soit précise, accessible et prévisible (CEDH 02.08.84 Malone c/RU et CEDH 15.11.96 Cantoni c/France).
En pratique la doctrine dénonce de manière générale une imprécision des textes législatifs pénaux imputable à ce qu’elle nomme une « overdose législative »3[3]. Ex : les circonstances aggravantes de réunion et de bande organisée.
- 3[3] Expression de Mr Debove. L’Etat de droit suppose le respect du principe de sécurité juridique, lequel exige une certaine stabilité des lois et des situations qu’elles définissent. En même temps qu’elle constitue une inquiétante dérive par rapport à la conception classique du principe de légalité criminelle, la production normative, frénétique et exponentielle, apparaît par un étrange paradoxe comme une source d’indulgence pour l’homme en procès. Dans le prolongement de Montesquieu, Beccaria écrivait que « seules les lois peuvent déterminer les peines et les délits et que ce pouvoir ne peut résider qu’en la personne du législateur qui représente toute la société unie par un contrat social ». Si la légalité criminelle peut être dans certains cas synonyme de simple textualité, encore faut-il que le texte normateur satisfasse à certaines conditions dégagées par la jurisprudence. Le principe de sécurité juridique commande que la loi pénale présente certaines qualités (clarté, précision, prévisibilité, accessibilité, intelligibilité). «L’effervescence normative » actuelle est difficilement conciliable avec le respect de ces exigences matérielles. En ne distinguant plus l’accessoire del’essentiel, le perfectionnisme affaiblit la clarté, la concision et au final la solennité qui devraient caractériser toute réforme. L’actuelle « boulimie législative » et les malfaçons qui l’accompagnent accentuent sensiblement les pouvoirs du juge, érigé en bras armé d’une loi omniprésente.
2. Déclin imputable au juge
Admission de l’analogie in favorem par le juge pénal. Tolérance selon laquelle le juge accepte de raisonner par analogie lorsque s’opère dans le sens favorable au prévenu. Ex : consécration de la légitime défense des biens.La manière dont le juge adapte le texte législatif aux évolutions technologiques alors que ces textes ont été écrits au moment où l’évolution technologique n’existait pas encore. Ex : crim 03.08.1912 l’électricité est une chose susceptible de vol. Certaines interprétations sont dénoncées par la doctrine comme contra legem. Ex : la jurisprudence relative à la prescription de l’ABS.