I/ Le régime des présomptions favorables à la personne poursuivie
1) Possibilité de la preuve contraire
Les présomptions favorables à la personne poursuivie sont toutes des présomptions simples donc susceptibles d’être renversées par la preuve contraire. Cette preuve contraire est toujours libre. Donc les présomptions favorables à la personne poursuivie ont pour effet de faire peser la charge de la preuve sur le ministère public. Cela prend toute son envergure au regard de la présomption d’innocence. L’application du principe de la présomption d’innocence implique qu’il appartient au ministère public de rapporter la preuve des différents éléments constitutifs de l’infraction. Et c’est en cas de doute que la présomption d’innocence révèle toute son importance. En effet, en application de l’adage « in dubio pro reo » (le doute profite à l’accusé) lorsque le ministère public n’a su faire naître dans l’esprit du juge que la probabilité de la culpabilité, le prévenu doit être relaxé. Pour que la procédure aboutisse à une condamnation le ministère public doit emporter la conviction intime du tribunal, c’est-à-dire faire naître sa certitude. Puisque la présomption d’innocence est une présomption simple, la loi met d’importants moyens à disposition de l’accusation pour être en mesure de la contrer. Ex : perquisitions, garde à vue, écoutes téléphoniques…
2) L’effectivité des présomptions favorables à la personne poursuivie
Problème de la présomption d’innocence génératrice d’incrimination pénale.
Les dérives de la surexploitation médiatique des affaires judiciaires ont rendu nécessaire un renforcement du dispositif protecteur de la présomption d’innocence. Ce renforcement s’est opéré à la fois par la voie du droit pénal mais aussi par la voie du droit civil :
– Par la voie du droit pénal classiquement certaines violations de la présomptions d’innocence peuvent constituer une infraction pénale (délit de diffamation, délit de dénonciation calomnieuse, délit d’atteinte à la présomption d’innocence ; violation du secret de l’instruction). La loi du 15 juin 2000 a encore renforcé le dispositif protecteur de la présomption d’innocence en créant 2 nouvelles incriminations :
- Le fait de diffuser l’image d’une personne menottée ou entravée
- Le fait de réaliser, publier ou commenter un sondage portant sur la culpabilité d’une personne ou sur la peine susceptible d’être prononcée.
– Par la voie du droit civil : renforcement opéré en plusieurs étapes :
- Avant 1993, les atteintes à la présomption d’innocence commises par voie de presse donnaient lieu à la mise en œuvre de la responsabilité civile sur le fondement de l’article 1382 C.civ. Cela impliquait donc la preuve d’une faute et d’un préjudice.
- Puis loi du 4 janvier 1993 qui insert un article 9-1 dans le C.civ. selon lequel chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Cet article implique que le préjudice ouvrant droit à réparation découle de la seule atteinte à la présomption d’innocence.
- Loi du 15 juin 2000 opère un 2ème renforcement car elle permet, en cas de violation de la présomption d’innocence, de s’adresser au juge des référés alors même qu’on ne fait l’objet d’aucune mise en cause par la justice.
II/ Le régime des présomptions défavorables à la personne poursuivie
1) La force des présomptions de culpabilité
En théorie toutes les présomptions défavorables à la personne poursuivie sont des présomptions simples susceptibles d’être renversées par la preuve contraire. Toutefois, en pratique il extrêmement difficile de renverser ces présomptions. Il y a 2 exemples :
– La présomption de connaissance de la loi : ne peut être renversée que par la preuve de l’erreur de droit. Or pour être admise l’erreur de droit doit être invincible. La jurisprudence apprécie tellement strictement ce caractère invincible de l’erreur qu’elle ne la retient que rarement (voir l’erreur de droit). Donc finalement cette présomption de connaissance de la loi est quasi impossible à renverser.
– La présomption de responsabilité pénale du chef d’entreprise : ne peut être renversée que par la preuve de la délégation de pouvoir.
2) La régularité des présomptions de culpabilité
Le Conseil constitutionnel, le 16 juin 1999, décide que les présomptions de culpabilité sont régulières a 3 conditions cumulatives :
– Elles doivent être réfragables
– Le respect des droits de la défense doit être assuré
– Elles doivent reposer sur une vraisemblance raisonnable induite d’effet
Autre régularité, aussi, au regard de la C.E.S.D.H. : C.E.D.H. 7 octobre 1998, Salabiaku c/ France, la Cour admet la régularité de présomptions de culpabilité si elles sont raisonnables, proportionnées à l’enjeu et réfragables.