B) La référence à la solidarité nationale
Ici encore, l’utilisation du terme de solidarité relève plus de la rhétorique que de la réalité d’une aide mutuelle qui déploierait tous ses effets. Alors qu’on assiste à une multiplication des fonds d’indemnisation (1), le constat doit être fait de l’existence de limites à cette solidarité (2).
1) La solidarité nationale et les fonds d’indemnisation
L’un des premiers signes de la relative crise des fonctions de la responsabilité civile est la multiplication récente des fonds d’indemnisation. Avec eux, l’indemnisation des victimes est placée au centre des préoccupations du droit civil. Les transformations économiques et sociologiques ont conduit à un changement des mentalités qui se caractérise selon Loïc Cadiet par le passage d’une « idéologie de la résignation à une idéologie de l’indemnisation ». Les pouvoirs politiques ont pris acte de cette mutation en faisant primer la socialisation des risques sur la responsabilité individuelle. Relèvent ainsi de cette socialisation des risques la création de la sécurité sociale, le développement du phénomène assurantiel et la multiplication de ces fonds d’indemnisation. On trouve pour les principaux, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, crée par une loi du 3 décembre 1951 relatif notamment aux accidents de la circulation, le fonds de garantie des victimes d’actes terroristes et d’autres infractions, créé par une loi du 6 juillet 1990, le fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles, crée par la loi du 31 décembre 1991, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, crée par une loi du 23 décembre 2000 et plus récemment l’organisme national d’indemnisation des accidents médicaux, crée par la loi du 4 mars 2002 relatif aux aléas thérapeutiques. Tous ces organismes ont en commun le fait d’être alimentés par des ressources figurant au budget de l’Etat. Ils reposent tous sur l’idée de permettre l’indemnisation de la victime lorsque l’auteur du dommage est inconnu, insuffisamment assuré, insolvable ou en l’absence d’auteur fautif.
En la matière, l’existence d’une communauté d’intérêts entre tous les citoyens du même Etat est incontestable et justifie l’emploi du terme de solidarité pour ce qui relève de la prise en charge de l’indemnisation de certains dommages. C’est donc plus la perturbation de mécanismes issus de la responsabilité individuelle qui vient expliquer les limites de cette solidarité nationale.